DOMENECH Michèle, née HEREDIA

 

Née le 10 mai 1913 à Liria, Province de Valence (Espagne) ; ouvrière agricole puis employée de commerce ; militante communiste dans l’Hérault, résistante, responsable de l’UFF dans l’Hérault et membre du conseil national ; conseillère municipale à Bagnolet (Seine-St-Denis) de 1954 à 1970 ; Epouse de Marc Domenech militant communiste, secrétaire de la région Aude-Hérault puis de la Fédération communiste de l’Hérault.

 

Son père, Jean-Baptiste Heredia né en 1887 et mort en 1967 était un ouvrier agricole qui avait commencé à travailler à 8 ans et qui émigra en France, dans l’Hérault, en 1916. Sa famille le rejoignit à Agde en 1918 : son épouse, Modeste, née Adria en 1890, et qui mourut en 1959, accompagnée de leurs quatre enfants nés en Espagne, Michèle, Raymonde, née en 1911, et qui devait pendant la guerre participer à l’activité résistante de Michèle, Carmen, née en 1918, et leur frère Jean, né en 1915. En 1924 naquit un cinquième enfant, François, à Agde.

 

Une famille nombreuse, de ressources très modestes, dont les sympathies allaient à « la gauche », sans qu’il y eût d’appartenance politique ou syndicale précise. Son père fut naturalisé français en 1929. Michèle dut interrompre sa scolarité primaire à 10 ans pour aller travailler : d’abord chez plusieurs commerçants d’Agde, puis à 11 ans dans les vignes. La même année, elle réussit cependant à obtenir le certificat d’études primaires. De 12 à 16 ans, elle trouva un poste de serveuse dans un café de Béziers avant de revenir au travail de la vigne sur un grand domaine du biterrois, à Boujan. Son futur mari, lui-même ouvrier agricole, y avait travaillé. Il était secrétaire du syndicat des travailleurs agricoles de Boujan et pour cette raison, il lui était difficile de trouver du travail. Elle le connaissait depuis 1924. Ils se marièrent le 20 décembre 1930 : par son mariage avec Marc Domenech (voir ce nom), elle acquit la nationalité française.

 

Cette union fut décisive car elle l’introduisait dans une famille de militants communistes et syndicaux des plus actifs. Son beau-frère Jean (voir ce nom) et son mari, étaient membres du Parti communiste depuis 1927. Michèle Domenech réussit à trouver un emploi à Béziers dans une pâtisserie où elle demeura jusqu’en 1935. En 1932, elle était entrée, sous l’influence d’Etienne Fajon et de sa femme Juliette, au groupe des Jeunesses communistes de Béziers. Depuis la fin de 1935, les Domenech s’étaient installés à Montpellier pour y gérer un restaurant coopératif rue de la Petite Loge. Marc était permanent du Parti sans être rémunéré et en 1937 il partit pour un stage de 6 mois à l’École centrale du PC. Michèle participait déjà à des activités du Parti mais elle n’y adhéra qu’en 1937, pendant le stage de Marc, avec la pleine conscience qu’il s’agissait là d’un engagement très grave. Les évènements de 1936 et 1937 et l’exemple de son mari l’avaient convaincue. Elle anima à Montpellier un comité de femmes contre le fascisme. Après avoir participé en avril 1938 au Congrès de l’Union des Jeunesses républicaines de France à la Mutualité de Paris, elle organisa un groupe UJRF à Montpellier.

 

Son mari fut mobilisé en 1939, et fait prisonnier, il ne revint qu’en juin 1945. C’est pendant la guerre que les activités militantes de Michèle, jamais interrompues, la révélèrent comme une personnalité autonome, motivée par des convictions solides. Instruite des enjeux de la guerre par ses activités militantes depuis 1936, elle a eu un engagement continu durant toute la période des hostilités. Restée à Montpellier jusqu’en mai 1943, elle militait dans le Parti communiste dissous, assurait des liaisons (particulièrement avec Carcassonne). Elle adhéra au Front National en 1942. En mai 1943, elle entra dans la clandestinité pour travailler dans une imprimerie près de Tain-l’Hermitage. Elle y fut arrêtée le 1er septembre 1943 et internée à la prison de Valence où elle contracta la fièvre typhoïde. Elle fut hospitalisée à Albi en décembre pour y subir deux opérations. Grâce à des contacts extérieurs noués par l’intermédiaire de visiteurs, elle put s’évader avec l’aide d’un groupe FTP le 29 avril 1944. Elle fut alors hébergée dans une ferme proche de Carmaux où un membre du Parti vint procéder à son « évaluation ». Le 6 juin, elle reçut une autre mission et une fausse identité (Marie-Louise Bertin) : c’était de nouveau un travail dans une imprimerie clandestine dans le Tarn. Elle diffusa des tracts sur la libération de Carmaux qui intervint effectivement le 15 août. Jusqu’au retour de son mari à Montpellier, elle séjourna à Rodez pour y organiser l’Union des Femmes Françaises dont elle était la Secrétaire, fonction qu’elle retrouva à partir de juin 1945 à l’UFF de l’Hérault et qu’elle conserva jusqu’à la naissance de son fils Gilbert, en 1948. Elle fut aussi membre du Conseil national de l’UFF. Une fille, Claudine, était née en 1946. Ses deux enfants ont appartenu aux Jeunesses communistes. Claudine, institutrice à Boujan depuis 1995, militante syndicale, y est devenue secrétaire de cellule et conseillère municipale.

 

Après la guerre, Michèle Domenech militait dans le Mouvement de la paix. En mars 1950, elle participait à une manifestation en faveur de Robert Teff devant le Palais de Justice de Montpellier quand elle fut grièvement blessée : atteinte par une grenade lacrymogène lancée par un CRS, elle perdit la vue. Elle resta aveugle malgré de multiples interventions pratiquées à Montpellier, à Paris, et en URSS. Candidate dans l’Hérault aux Législatives de 1951 sur la liste du PCF, elle obtint près de 30% des suffrages exprimés, mais le système des apparentements priva son parti de toute représentation. À partir de 1954 et jusqu’en 1972, les soins et opérations qu’elle devait subir l’obligèrent à de longs séjours à Paris et à plusieurs voyages en URSS : c’est à Bagnolet que les Domenech s’installèrent. C’est là que Michèle Domenech continua son action militante politique. Elle devint conseillère municipale, chargée de la commission sociale. Elle n’a jamais quitté le PCF et, de retour dans l’Hérault, a toujours été membre de la cellule de Boujan.

 

Elle a admis l’évolution de son Parti et sa participation au gouvernement pour le rôle de critique qu’il peut y jouer. Son mari Marc Domenech est mort le 1er août 1983. Michèle Domenech est titulaire de la carte de Combattant volontaire de la Résistance, et a reçu la médaille du Mérite civil et militaire. Elle a été décorée de la Légion d’Honneur par Jean-Claude Gayssot le 19 mai 2000.

 

Sources : Entretiens avec Michèle Domenech les 18 et 19 mars 1999 et le 6 avril 2000. – Pierre Calmette, « C’était si loin, Paris… », Ateliers de la Licorne, Clermont-l’Hérault, 1998, p.178 et sq.

Iconographie : Photo d’identité de Michèle Domenech - Photo prise à Montpellier le 28 mars1950, le jour de son accident : à la tribune, Roger Barale au micro. Derrière lui, Michel Schuwer, secrétaire de la section communiste de Montpellier et futur Secrétaire fédéral, élu à Montpellier en 1953 ( photo extraite de l’ouvrage de Pierre Calmette) – Photo publiée par le Midi-Libre, le 20 mai 2000 « Une femme de devoir à l’honneur » .

 

Hélène Chaubin et Corinne Escafit